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Les éléments du dossier
mercredi 30 mai 2018, par
[p. 28] Le dossier littéraire de saint Melar renferme principalement deux *vitae qui n’existent plus sous leur forme primitive, continue et complète, et qui sont seulement accessibles par des textes remaniés et lacunaires ; ainsi que le court récit, apparemment conservé dans son intégralité, du transfert et de la réunion miraculeuse des reliques du saint. Les textes en question sont contenus dans des mss relativement tardifs (du
La consultation de sources anglaises permet de fixer avec assez de précision le terme de la composition des *vitae de saint Melar. Celle que nous désignerons *vita Ia a été utilisée, en même temps que le récit de l’épisode miraculeux relatif aux reliques du saint, par le compilateur du Sanctilogium Angliae, Walliae, Scotiae et Hiberniae, Jean de Tynemouth, qui travaillait vers 1325-1350, sans doute à l’abbaye de Saint-Albans ; l’autre, que nous désignerons *vita IIa, a été utilisée par l’auteur du Legendarium d’Exeter, l’évêque Jean de Grandisson, qui travaillait vers 1340-1365.
Le terminus a quo de la composition de chacune de ces deux *vitae est moins aisé à déterminer. Il est probable que l’histoire de saint Melar était déjà connue et racontée à Lanmeur dès le milieu du
[p. 29] En tout état de cause, le récit connu dès l’époque carolingienne à Lanmeur a fait l’objet d’un traitement écrit dans le dernier tiers du
D’ailleurs il semble que la seconde *vita de saint Melar omettait déjà cette anecdote : la source principale de l’hagiographe est pourtant bien la *vita Ia à laquelle il emprunte la trame générale du récit ainsi qu’un certain nombre de détails ; mais nous ne savons pas où il a consulté cet ouvrage et s’il a pu prendre connaissance de l’ensemble hagiographique dont la *vita Ia faisait initialement partie. En tout état de cause, c’est par la *vita IIa que la tradition mélarienne était connue non seulement à Exeter, au moins depuis le milieu du
1. Manuscrits
Manuscrits subsistants
Les différents textes littéraires en latin consacrés à saint Melar que nous avons inventoriés nous sont parvenus à travers onze mss d’ancienneté et de qualité très inégale. Par commodité, nous avons distribué ces éléments constitutifs du dossier hagiographique mélarien en quatre sous-ensembles. A l’occasion de cet inventaire qui demeure provisoire, chaque texte a fait l’objet d’une identification par une lettre et tous les mss ont été vérifiés directement ou sur reproduction.
1) Le premier sous-ensemble concerne la tradition mélarienne en Angleterre ; il comprend trois éléments.
Texte T Un texte intitulé De sancto Meloro martire dans le ms. Londres, British Library, Cotton Tib. E 1, vol. 2.
Ce ms. forme le second volume contemporain du Sanctilogium Angliae, Walliae, Scotiae et Hiberniae composé vers 1325-1350 par Jean de Tynemouth, sans doute moine de l’abbaye de Saint Albans ; pour une description du ms., voir Nova Legenda Anglie, éd. Horstman, t. 1, introduction. Le texte mélarien est aux f. 72 r°-73 v°, mais ces feuillets ont été gravement endommagés par le feu lors de l’incendie de 1731. L’ouvrage de Jean de Tynemouth a passé ensuite dans la Nova Legenda Anglie de John Capgrave, publiée en 1516, où se retrouve aux f. 229-230 le texte en question ; il est préférable d’utiliser l’édition de C. Horstman, t. 2, p. 183-185, qui a collationné les différents mss subsistants de l’ouvrage de Jean de Tynemouth.
Texte G Un texte divisé en trois leçons et intitulé De sancto Meloro dans le ms. Exeter, Cathedral Library, 3505.
Ce ms. forme le second volume contemporain de la Legenda Exoniensis composée par Jean de Grandisson, évêque du lieu de 1327 à 1369. Le texte mélarien est au f. 154 r° et v° ; il a été spécifiquement édité, en dehors des éditions globales de la Legenda Exoniensis, par G. Oliver, Additional Supplement to the Monasticon Dioecesis Exoniensis, Exeter, 1854, p. 6, et S. Baring-Gould et J. Fisher, Lives of the British Saints, t. 3, p. 473.
Texte L Un texte divisé en trois leçons et intitulé De sancto Meloro dans le ms. Londres, British Library, Reg. 8 C VII.
[p. 31] Ce ms. est un ensemble composite et la provenance de ses différentes parties, datées du
2) Le second sous-ensemble concerne la tradition mélarienne à Paris ; il comprend deux éléments.
Texte P Un texte divisé en huit leçons et intitulé De sancto Melorio dans le ms. Paris, Bibliothèque Mazarine, 399 (ancien 248).
Ce ms. comprend un lectionnarium de sanctis per annum écrit au commencement du
Texte R Un texte divisé en huit leçons et intitulé De sancto Melorio dans le ms. Paris, Bibliothèque Mazarine, 346 (ancien 767).
Ce ms. est un bréviaire à l’usage de l’abbaye Saint-Magloire de Paris, écrit de 1429 à 1433 par le moine Gilles Roussel ; pour une description rapide du ms., voir A. Molinier, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque Mazarine, t. 1, Paris, 1885, p. 125. Le texte mélarien est aux f. 390 v° et 391 r° (et non pas 290 v° et 291 r° comme indiqué par D.-B. Grémont, « Recherches sur saint Mélar... », p. 347). Le moine Gilles Roussel a travaillé d’après P qu’il copie très fidèlement, mais son propre texte est moitié plus court que ce dernier car il omet de recopier le texte des lectiones Va, VIa, VIIa et VIIIa de P ; ses variantes de détail par rapport à P ont été éditées par D.-B. Grémont, « Recherches sur saint Mélar... », p. 348-351.
3) Le troisième sous-ensemble comprend lui aussi deux éléments et concerne la tradition mélarienne à Meaux.
Texte M Un texte intitulé De sancto Meloro dans le ms. Paris, Bibliothèque nationale de France, latin 13789.
Ce ms. est venu de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés et si son origine meldoise n’est pas douteuse — il contient essentiellement des textes hagiographiques sur des saints (Faron, Thibaud, Saintin, Hildevert, Gislebert, Céline et Melar) revendiqués par la tradition locale (J. Molin, « Notre-Dame-du-Châge », p. 23) — il n’est pas possible de le désigner précisément « lectionnaire de Meaux » comme l’a fait D.-B. Grémont, [p. 32] « Recherches sur saint Mélar... », p. 345-346. Il s’agit d’un recueil tardif (
Texte C Un texte intitulé Translatio sancti Melori et divisé en neuf leçons dans les feuillets mss placés en tête d’un exemplaire du bréviaire imprimé de Saint-Victor (édité à Paris en 1523), Paris, bibliothèque Sainte-Geneviève, Rés. BB 8° 1312.
Les quarante-huit feuillets en question, écrits sans doute en 1572, contiennent le calendrier et le propre des saints honorés à l’abbaye Notre-Dame-de-Châge, notamment saint Melar et saint Josse mais également treize saints meldois (Denis, Fiacre, Gislebert, Rigomer, Saintin, Céline, Faron, Blandin, Hildevert, Ouen, Aile, Pathus et Fare) ; pour une description rapide du ms. et sur sa datation, voir J. Molin, « Notre-Dame-du-Châge », p. 23. Le texte mélarien est aux f. 32 r°-34 r°. Par ailleurs Les fastes et annales des évêques de Meaux (1684) par l’abbé Janvier, mss Meaux, bibliothèque municipale, 78-83 (anciens 72-77), que Mme C. Moucheront, conservateur-adjoint, a bien voulu explorer pour nous en septembre 1992, contiennent une copie du texte de la translatio prise à Notre-Dame-de-Châge (ex veter. manuscript. ecclesiae Beatae Mariae Cagiensis) et intitulée Vita sancti Melori martyris : cette copie présente, comparée au propre ms. de l’abbaye, quelques variantes de détail ; en outre elle n’est pas divisée en leçons. Nous désignons la Translatio par la lettre C, distinguée en C1 pour le ms. de la bibliothèque Sainte-Geneviève et en C2 pour celui de la bibliothèque municipale de Meaux. La 2e partie de C (correspondant aux lectiones IIIa, IVa, Va, VIa, VIIa, VIIIa et IXa de C1) a été éditée par Dom F. Plaine, « Vita sancti Melori », p. 174-175 (§ 15-17) et par H. Le Gouvello, Vie de saint Méloir, p. 31-32 (suite et fin du § 21 à partir de sceleratis hominibus) ; la première partie de ce texte (correspondant aux lectiones Ia et IIa de C1) a été éditée par D.-B. Grémont, « Recherches sur saint Mélar... », p. 354.
4) Le quatrième et dernier sous-ensemble concerne la tradition mélarienne en Bretagne armoricaine ; il comprend quatre éléments.
Texte D Un texte intitulé De sancto Melario dans le ms. Paris, Bibliothèque nationale de France, français 22321.
Ce ms., dont la description rapide est donnée par J.-L. Deuffic, Questions d’hagiographie bretonne..., p. 26, est bien connu des spécialistes : il s’agit d’un recueil tardif (fin du
Texte F Un extrait de la « légende de saint Melar » (in legenda sancti Melarii) dans le ms. Rennes, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 F 1003 (fonds La Borderie).
Ce ms., dont son dernier possesseur privé, A. de La Borderie, a donné une description rapide dans « La Vie inédite de saint Goëznou », p. 226-227, est un des cahiers de notes contemporains du vieil historien breton Pierre Le Baud (mort en 1505) et sa disparité fait toute sa richesse en même temps que toute sa difficulté d’utilisation. Pour ce qui est du texte mélarien (p. 47) il paraît vraisemblable à Gw. Le Duc (« Note sur un manuscrit perdu de la Vita Ronani », p. 206) qu’il a été extrait, en même temps que d’autres sur les saints Ronanus, Hoarveus, Tenenannus, Suliavus, Goeznoveus et Ilthutus, d’un légendier léonard, sans doute celui du Folgoët. Néanmoins l’hypothèse que ce texte ait plutôt fait partie d’un recueil constitué et/ou conservé à l’abbaye Saint-Mathieu-de-Fineterre, comme le croyait L. Fleuriot (préface à la Chronique de Saint-Brieuc, éd. Le Duc/Sterckx, p. 8) est également très plausible. Quoi qu’il en soit, ce légendier fut également — directement ou indirectement — la source de D ; et dans l’état actuel de nos connaissances sur sa localisation, Folgoët ou Fineterre, nous désignons le texte mélarien qui en fut extrait par la lettre F.
Texte B Un texte divisé en trois leçons et intitulé in festo sancti Melauri martyris dans le ms. Rennes, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 23 J 54 (fonds Laillé).
Ce ms. est un gros Mémoire historique sur la maison de Boiséon composé dans le dernier tiers du
[p. 34]
Texte S Un texte divisé en 9 leçons dans le ms. Rennes, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 F 378 (fonds La Borderie)
Il s’agit de deux copies d’un texte mélarien levées dans la seconde moitié du
Manuscrits disparus
Cette présentation des manuscrits serait incomplète si nous omettions de dresser la liste provisoire de ceux qui ont assuré, avant de disparaître, la transmission des différents textes hagiographiques mélariens.
Ces manuscrits entrent dans quatre catégories différentes suivant qu’ils sont attestés ou supposés, localisés ou non localisés.
1) Mss attestés et localisés
a) localisation précise
— Les *acta meldois de saint Melar, dont des fragmenta, attestés à Notre-Dame-de-Châge en 1663, étaient qualifiés à cette date par le P. Cousinet, procureur de l’abbaye, dans une lettre au P. Papebroch, de mutila, manca et mendis scatentia (dom F. Plaine, « Le martyr breton S. Melor... », p. 337). Cependant le correspondant de l’illustre bollandiste pouvait encore lire dans ces reliquiae, comme il les désignait également, la généalogie de saint Melar : son témoignage permet ainsi de vérifier que plusieurs des noms cités dans cette généalogie étaient différents de ceux dont P nous a conservé les formes, mais qu’ils se retrouvent dans la Vie rimée en anglo-normand — et aussi dans le texte M, au moins en ce qui concerne le nom du grand-père paternel de Melar. Le texte de la *vita Ia contenue dans le ms. de Châge a été partiellement transcrit par le copiste du texte M, peut être à l’instigation du P. Cousinet. Il ne s’agissait pas du texte original de la *vita Ia, mais seulement d’une de ses collations plus tardives, puisque ces *acta meldois sont tributaires de la tradition mélarienne issue de la *vita IIa pour tout ce qui concerne les noms cités dans la généalogie du saint. Cette collation fut effectuée sinon à l’abbaye de Châge, du moins pour et/ou par les chanoines du lieu, car son auteur a notamment substitué le nom de Judoc, saint breton honoré à Châge, à celui, difficile à lire, qui désignait le grand-père maternel de Melar ; elle ne peut pas avoir été plus tardive que le second quart du
— Un ms. conservé au début du
« très ancien manuscrit de l’histoire de Cornouaille gardé dans le thrésor de l’église de Lameur avec un soin extrême depuis plusieurs siècles ... (...) lequel en l’année 1227 fut mis en langage plus correct par un prestre nommé Mre Guillaume Hamon, dans lequel il est parlé amplement de la naissance, vie et mort de nostre sainct patron, comme aussi du commencement et progrès des princes de Kerfeunten ou Lameur ».
Bien que le Mémoire historique porte effectivement 1227, cette date est controuvée, attendu que ce qui a été conservé, ou du moins ce qui nous est présenté comme tel, de ce « très ancien manuscrit » (p. 4 du Mémoire historique) a pour objectif principal de fonder certaines prétentions généalogiques de la famille de Boiséon qui ne peuvent être antérieures à la seconde moitié du
[p. 36]
b) localisation imprécise
— Une composition hagiographique relative à saint Melar incluse dans le légendier per circulum anni aujourd’hui perdu d’une abbaye cistercienne au diocèse d’York (Grande-Bretagne). L’existence de ce texte est connue par une mention de saint Melar dans un calendrier du XIVe siècle, ms. Oxford, Bodleian Library, Rawlinson C 440 , f° 5 verso, à la date du 1er octobre (Item Melori martyris G II) ; cette mention renvoie aux différents volumes du légendier conservé dans l’armarium de l’abbaye et dont l’un portait donc la cote G II. (Nous devons la découverte de ce ms. insulaire de la Vie de saint Melar, ainsi que l’ensemble des précisions qui s’y rapportent, à Monsieur F. Dolbeau que nous remercions vivement).
— Plusieurs mss de la *Legenda sancti Melarii en Bretagne armoricaine, sans plus de précision sur leur nombre et leur localisation, ont été collationnés, ou par le P. Du Paz pour l’établissement du texte D, ou par Dom D. Briant, à l’occasion de sa transcription de D.
2) Mss. attestés, non localisés
— Le libellus sur lequel le rédacteur du lectionnaire de l’abbaye de Saint-Magloire de Paris a copié, dans les premières années du XIVe siècle, les huit leçons de l’office (monastique) de saint Melar. La presque totale similitude entre ce dernier texte, que nous avons noté P, et S, dans le bréviaire de Saint-Malo imprimé en 1537, est l’indication qu’ils copient l’un et l’autre la même composition, avec une fidélité que l’on peut vérifier au moins jusqu’à la fin du texte du bréviaire malouin : celui en effet s’achève brutalement au terme de ce qui correspond à la lectio IVa de P. Ce dernier texte n’a pas non plus copié la totalité du libellus : son ultime et huitième leçon s’achève également de façon brutale sur la mort de Justan.
3) Mss supposés, localisés
Un ms. de la *vita Ia de saint Melar à l’abbaye d’Amesbury, utilisé vers le second quart du
[p. 37]
4) Mss supposés, non localisés
(il n’entre pas de mss dans cette catégorie au stade actuel de notre connaissance du dossier hagiographique mélarien).
2. Esquisse d’un stemma textuum
La *vita Ia
De cet ouvrage subsistent deux fragments principaux, respectivement P et M qui constituent des remaniements plus ou moins profonds de la composition originale, effectués en fonction de la finalité que leur avaient assignée ceux qui nous ont transmis ces deux textes.
Il a fallu attendre jusqu’en 1973 l’édition par D.-B. Grémont de P, texte contenu dans un lectionnaire du début du
Le texte M est contenu entre plusieurs autres textes hagiographiques dans un ms. de la fin du
Le titre de *vita est le fait des éditeurs modernes de ces différents fragments ; il n’a rien d’improbable et l’on trouve dans le texte P, l’expression vita et actus qui a pu fournir un titre à l’ouvrage quand il se présentait sous sa forme continue et complète ; mais pour être complet ce titre devrait également comporter le terme *miracula afin de prendre en compte les différents épisodes immédiatement postérieurs à la mort du saint, notamment celui de la désignation de sa sépulture, événements marqués par une intervention divine.
Le texte P nous procure la généalogie de Melar et le catalogue des vertus de son père Meliau. Ensuite il raconte l’assassinat de ce dernier et la mutilation consécutive de son héritier ; puis il évoque les ’enfances Melar’ pour aboutir enfin au récit du meurtre dont le jeune prince est l’innocente victime. Si ce fragment ne présente apparemment qu’une seule véritable lacune, [p. 38] nous verrons qu’il abrège vraisemblablement à plusieurs reprises le texte sur lequel il a été copié.
Le texte M ne rapporte que les événements de la vie du petit martyr postérieurs à sa première mutilation dont le récit est omis ; puis sont évoquées, après la mort tragique de Melar, les difficultés rencontrées pour déterminer le lieu où doit être inhumé son corps martyrisé, avant que n’intervienne enfin le miracle qui permet le choix de l’emplacement définitif de cette sépulture. Nous verrons que le texte M, dont on remarque quand la comparaison est possible qu’il est souvent plus développé que le texte P, n’en est pas moins lacunaire en de nombreux endroits.
Les textes P et M, absolument identiques sur le fond, et pour lesquels l’examen attentif de la partie du récit qu’ils ont en commun montre qu’ils présentent également une très grande parenté dans la forme, renferment cependant des différences textuelles qui sont plus que de simples variantes et qui reflètent l’extrême complexité de la tradition manuscrite de la *vita Ia. Pour parvenir à la reconstitution du récit contenu dans l’original perdu de cette *vita, il faut recourir à l’abrégé de Jean de Tynemouth (texte T) et à une traduction/adaptation en vers anglo-normands du
La Vie rimée en anglo-normand, publiée en 1984 par A.H. Diverres, a peut-être été composée à Amesbury ; elle retrace toute la carrière de Melar, depuis les considérations sur la lignée dont il était issu jusqu’aux différents miracles intervenus après sa mort du saint, à l’exception de celui qui concerne la réunion de ses reliques, rapporté par le texte C. Ce récit est absolument conforme au déroulement chronologique rapporté à la fois par les deux fragments P et M et par l’abrégé insulaire (jusqu’à la mort de Rivod), ce qui nous paraît être une [p. 39] indication probante de la fidélité que l’auteur de la composition vernaculaire a témoignée à l’égard du texte latin de la *vita Ia.
Appendix à la *vita Ia
Le texte C reçoit le titre de Translatio sancti Melori dans le plus ancien ms. qui le contient, de la fin du
Le texte C comprend deux parties d’inégal volume. La première et la plus courte, uniquement destinée à introduire la seconde partie, est un résumé rapide des événements rapportés dans la *vita Ia, qui reproduit à l’identique certaines tournures de phrase conservées par le texte M ; l’hagiographe, qui n’est autre que l’auteur de la *vita, inflige d’ailleurs à Rivod le même châtiment divin que celui assez particulier dont il avait précédemment gratifié Kerialtan. Dans la seconde partie de C, plus développée, l’hagiographe fait le récit du prodige qui permit que fussent réunies en un même lieu les reliques dispersées du petit martyr ; — il raconte ensuite comment ces événements furent à l’origine d’un pèlerinage à l’endroit même où s’était produit le miracle ; — il rapporte enfin les circonstances dans lesquelles ce pèlerinage fut déserté puis bientôt oublié.
Comme nous l’avons signalé plus haut, nous n’avions pas tout de suite compris la spécificité de C dont nous faisions un fragment de la *vita Ia. Monsieur F. Dolbeau, à l’avis duquel nous nous sommes depuis rangé et dont nous reproduisons ici l’argumentation, pense au contraire « qu’il s’agit d’une pièce dont la portée liturgique est distincte ; ce récit, comme l’indique sa première phrase, justifie une commémoration secondaire de Melar le 14 mai, alors que les Vitae proprement dites sont destinées à la fête principale du martyr. Mais il reste vrai que ce miracle était associé à la Vita prima dans l’exemplaire ayant servi de modèle à l’un des résumés anglais », — en l’occurrence celui de Jean de Tynemouth.
La *vita IIa
L’autre *vita de saint Melar a complètement disparu sous sa forme originelle. C’est pourtant par cette *vita IIa que la tradition mélarienne était connue, au moins depuis le milieu du XIVe siècle, à Exeter où travaillait Jean de Grandisson qui lui fit des emprunts spécifiques [p. 40] pour sa propre composition hagiographique sur saint Melar (texte G), ainsi qu’en Basse-Bretagne, à la fin du Moyen Age, notamment sous la forme d’une réfection tardive intitulée *Legenda sancti Melarii parce qu’elle était insérée dans le légendier (legendarium) d’une église ou d’une abbaye du Léon. La dépendance de la seconde *vita à l’égard de la *vita Ia , et donc sa postériorité, se déduisent de la critique interne du texte de cette réfection. Comme en témoigne le texte F, le légendier en question a été consulté dans le dernier quart du
Le compilateur anonyme du légendier léonard s’est obligé à faire le résumé point trop maladroit des actes de Melar procurés par la seconde *vita du saint, résumé dont le volume fût compatible avec ceux des différentes autres legendae compilées par ses soins : il a donc sans doute procédé à des coupures plus ou moins aléatoires dans le texte qu’il avait sous les yeux ; d’autres coupures résultent peut-être du travail successif de transcription par le P. Du Paz et par Dom D. Briant.
Les autres pièces du dossier
Le dossier littéraire de saint Melar comprend aussi un certain nombre d’abrégés médiévaux tardifs de ses deux *vitae : outre ceux du
En dehors des textes ‘littéraires’, il existe également un certain nombre de pièces liturgiques ou para-liturgiques qu’il est nécessaire d’invoquer et/ou d’utiliser dans l’examen du dossier hagiographique mélarien. Ainsi faut-il mentionner, pour ce qu’ils apportent de précisions complémentaires sur les miracles attribués à saint Melar, deux textes que leur éditeur, Dom F. Plaine, a fait paraître séparément en 1886 et 1889, bien qu’ils appartiennent tous les deux à la même tradition meldoise, et qui paraissent calqués sur la première *vita : l’un est un hymnus et l’autre un carmen historicum, comme l’a intitulé son éditeur ; le tout constituait l’office propre de saint Melar dans le diocèse de Meaux. Nous avons nous-même retrouvé en Bretagne, en même temps qu’un abrégé en trois leçons de la *Legenda sancti Melarii (texte B) — leçons très apparentées pour ne pas dire identiques à celles consacrées au saint dans les premiers bréviaires imprimés de Cornouaille et de Léon du début du
[p. 42]
Annexe : le vieux ms. de Lanmeur et les prétentions généalogiques de la famille de Boiséon
Notre connaissance de l’existence de ce ms. et de son contenu repose sur le témoignage d’Yves Arrel, témoignage lui-même connu seulement par l’intermédiaire de l’abbé de Gouessant, qui n’a pas pu voir le ms. en question et qui recopie Arrel, avec un degré de fidélité que nous ne pouvons pas mesurer. Ce qui nous en a été ainsi conservé traite notamment de prétentions généalogiques de la famille de Boiséon, lesquelles sont nécessairement postérieures aux années 1350-1360. Il s’agit de magnifier l’extraction de la maison de Lanmeur, olim de Kerfeunteun, et de celles de Boiséon, Du Parc et de Coetredrez, ces quatre maisons citées dans l’ordre successif de la naissance supposée de leurs auteurs que l’on nous dit avoir été quatre frères issus d’un cadet des rois de Cornouaille. La mention de la famille de Coetredrez procure un premier terminus a quo de la mise au net de la tradition en question, car l’association de ce lignage avec celui de Boiséon remonte seulement à l’époque où un cadet de Coetredrez épousa l’héritière de Boiséon et releva les nom et armes de sa femme (vers 1360). Quant à la famille Du Parc, on sait que dès 1466, elle revendiquait en effet, sur la foi de documents alors conservés dans le chartrier de Boiséon, d’être issue de la maison de Lanmeur, avant même les Boiséon auxquels elle contestait en conséquence la prétention d’être les premiers prééminenciers de la paroisse ; mais, quoique cette revendication ne fût pas sans quelque fondement car le premier possesseur attesté de la terre de Beuzit en Lanmeur, vers la fin du